Tranche de vie: Tout Fou To Fly -Episode 1: En route vers une nouvelle aventure
A) Aoùt 2007:Le début
Tout commence en juillet 2007, je suis en vacances avec ma petite famille en Corse, à Ste Marie Sichée, non loin d'Ajaccio. Un coup de téléphone (eh oui, j'ai toujours mon portable avec moi, même en vacances, même nu - dans le sac à dos -) de Michel Denis, ancien directeur de la Scène Nationale de St Avold, ex administrateur de la Cie Généric Vapeur, qui me propose de passer par la Seyne sur mer, à mon retour de Corse, pour un éventuel emploi de technicien...polyvalent, dans une Cie de cirque.
Il s'agit d'une compagnie de cirque aérien, Tout Fou To Fly, qui recherche un technicien en vue d'une nouvelle création de spectacle...
Nous embarquons à l'Ile Rousse direction Nice, où nous débarquons le soir vers vingt trois heures pour nous rendre à l'hôtel que nous avons réservé.
Après une nuit sans problème (à part le stationnement, pour trouver à se garer à Nice...), nos enfants rentrent en train, Estelle et moi nous dirigeons vers Toulon et La Seyne-sur-mer, où j'ai rendez-vous avec le directeur du cirque, Jean-Michel Poitreau, à quatorze heures ce vingt cinq juillet.
Déambulation dans la Seyne, ville étendue d'une façon assez anarchique, et nous finissons après moult méandres sous un soleil on ne peut plus radieux, par trouver les Sablettes et le terrain où se trouve le chapiteau de la Cie.
Jean-Michel est là, je m'installe à une table dans un décor de végétations diverses, que Jean-Michel bichonne avec amour, mariant différentes essences, pour un résultat plutôt joli!
Estelle part faire des achats, entre autres à la pharmacie pour un mal de gorge, et je consulte les documents que me remet Jean-Michel, traitant de Tout Fou To Fly, et de la prochaine création, La Rade, qui doit se jouer en 2008.
Discutions diverses sur mes compétences, multiples mais nulles en l'occurrence sur les problématiques du cirque, sur les subventions et les budgets, les attentes du patron, et nous arrivons à un accord de temps d'essai en août pour savoir si une suite conviendra aux deux parties.
J'apprends par la même occasion que Michel Denis est le producteur de la Cie. Sur ce, Jean-Mi (c'est son petit nom) me plante là et part à Toulon voir les voiliers qui sont en rade en ce moment (il est très féru de bateaux et de marine, Jean-Mi ) et je me retrouve seul sur le terrain en attendant le retour d'Estelle. Comme elle tarde, je vais voir du coté de la mer, à la plage des Sablettes et je rencontre, attablé à la terrasse du Cannier, Gino Rayazone, artiste jongleur, et artiste associé à la création de" La Rade"; je le connais pour l'avoir déjà accueilli à St Avold, dans le cadre d'un festival de théâtre de rue, avec Michel Denis. Retrouvailles, parlotes, et je prends congé pour rejoindre Estelle qui doit m'attendre sur le terrain.
Eh bien non! Madame a trouvé des boutiques sympas aux Sablettes et m'a fait poireauter une bonne heure encore avant son retour! Enfin elle revient, et nous partons vers Apt, où Momo et Zaza nous attendent pour le repas du soir. Nous dormons dans la caravane de Momo.
Nous passons une journée dans le Lubéron et direction Lyon où Michelle, une ex-lorraine nous héberge.
Puis retour à la maison, convocation au tribunal, annulation du permis de conduire (pour alcoolémie, une maladie du foie, il parait...), je fais ma valise et prends le TGV pour Toulon, puis la navette maritime pour la Seyne, où j'arrive à quatorze heures.
Les premiers contacts sont sympathiques, Jean-Mi me présente aux artistes déjà arrivés, d'autres viendrons d'ici peu, me dit-on. La session va durer tout le mois d'août, à éplucher le scénario de La Rade, sur un texte de Audray Louvin.
Audray est là, et d'emblée m'appelle Norbert, parce que je ressemble beaucoup à un Norbert de sa connaissance. Depuis ce moment tout le monde m'appelle Norbert!
Je n'ai pas beaucoup d'explications de Jean-Mi, il me donne des boulots à faire suivant ses plans, sans que je sache vraiment la finalité de ce que j'entreprends: "Tu me coupes deux tubes de 50 à 4m37!" OK, c'est fait! "Viens avec moi derrière aux container, tu me trouves le coréen, je te fais un dessin". Heureusement que j'ai le dessin, je ne sais pas ce qu'est un coréen au cirque!
Il en est de même pour le cadre qu'on appelle aussi chaise, la balançoire russe... finalement, j'engrange le vocabulaire technique circassien, je construis ou prépare différents agrès, créant des pièces que Jean-Mi vient souder - c'est un excellent soudeur! -, fais des installations de sono dans le chapiteau (ça je sais faire!), et accroche de la lumière pour faire une première approche de l'éclairage de "La Rade". Mes journées sont bien remplies, la nuit je règle les gamelles (le jour, il fait quarante cinq degrés sur le gril à neuf mètres!).
Une nuit, sur le gril en pont carré de cinq cent, je règle un PAR sous le gril, tète en bas, à travers la structure, et, je glisse! je m'arrète vingt centimètre plus bas, au bout de la longe tendue de mon harnais (ben oui, vous ne pensez pas que je suis monté là haut sans harnais!) dans une situation peu enviable: tête en bas, les côtes bloquées dans la tubulure du bas, les deux bras serrés contre le bassin bloqué dans la tubulure du haut!
Après moult torsades, cognages, pestages, râles divers et écrasements costals, je réussis à me dégager et à me coucher sur le gril, il était temps, une demi-heure tête en bas , je commence à voir trouble et mes tempes vont exploser!
Je reste bien dix minutes ainsi, récupérant petit à petit, ma respiration me fait mal aux côtes, quelque peu cassées pour passer, et j'entreprends de descendre, douououcement, les neuf mètres le long d'un des mâts du chapiteau.
OUF! arrivé entier, debout, bon, je vais voir Gino pour me remettre de mes émotions, fumant doucement pour ne pas tousser!
Depuis, jamais je ne monte tout seul au gril! Oh non!
Une courte nuit de sommeil plus tard, couvert de bleus et avec une côte qui se promène, je fais le café pour Jean Mi et moi, il est sept heure trente.
Les journées s'enchaînent, les travaux prennent forme et je comprends maintenant ce que Jean-Mi attend de moi, il n'a pas trop de temps à me consacrer, essayant de créer la mise en scène de "La Rade", et assistant aux répétitions des artistes.
Hormis Jean-Mi à la mise en scène, la dizaine d' artistes est encadrée par Gino pour les postures au sol, Bob est là pour la musique, Olivier au fil, Jean-Charles pour les chorégraphies, Youri pour les actions aériennes, et l'animal en caleçon ( ben oui, les gens du cirque sont tolérants, mais de là à tolérer un techno tout nu, il y a une limite, donc caleçon!) qui gambade autour de tout ce monde à bricoler du son , de la lumière et moult petit jobs qui font avancer le projet.
Parmi les artistes, tous aériens dans diverses spécialités, et plus ou moins polyvalents, Marivette la chanteuse nous épate à chanter en s'envoyant en l'air, Olivier et Stéfan, plus expérimentés, donnent des tuyaux, il faut dire que la plupart des artistes tourne autour de vingt cinq ans.
Il y a , dans la Cie, deux contrats de professionnalisation, Baptiste et Sam, tous les deux futurs porteurs au coréen, mais qui, dans le cadre de leur contrat ont aussi des heures de technique à effectuer.
Évidemment, je me retrouve chef d'équipe, pour des travaux plus "intéressants "les uns que les autres: Nettoyage et rangements des containers de la Cie, qu'on pense qu'il ont été remplis à la pelle, portes en haut, tellement c'est le bordel là-dedans, les techniciens nous ayant précédé n'avaient pas la fibre de l'ordre!; triage des boulons, en vrac par milliers, qu'il faut ranger par taille, diamètre, solidité, les écrous, les rondelles, et nous avons notre hymne quand nous sommes à la tâche (d'après le poinçonneur des lilas, de Gainsbarre):
" Des boulons, des boulons, encore des boulons"
" Des boulons, des boulons, toujours des boulons"
" Des boulons de seize,"
" Des boulons de treize"
" Ch'suis le trieur de boulons"
" J'en ai des moches et des pas ronds"
" Et faut qu'je trouve des rondelles"
" Même si elles sont pas belles"
" Et des écrous des gros écrous des p'tits écrous"
Baptiste et Sam ont en vite marre de ces heures techniques et préfèrent grimper au coréen pour apprendre leur art! Ce qui crée quelques frictions entre eux et Jean-MI...
De temps en temps, au fil des semaines, j'ai une ou une demi journée de repos, et j'en profite pour aller à la plage des Jonquets, plage classée officiellement naturiste, à une heure de marche du cirque. j'y passe la journée, avec mon casse-croûte et mes bouteilles d'eau que je congèle avant de partir, de façon à avoir de l'eau fraiche pour le retour.
Un jour, alors que je mange ma boite de sardine, un albatros est venu me piquer ma boite!
Des sardines au piment, mais ça n'a pas l'air de le déranger!
Les répétitions avancent, les artistes sont de plus en plus sûrs d'eux et donc performants, l'ensemble commence à ressembler à quelque chose.
Puis c'est la fête!
Gino s'est mit aux fourneaux pour nous concocter un menu digne des grands chef! Régalades, rigolades, une bien belle soirée agrémentée par un tour de chant de Maryvette, un concert avec bob au piano, Olivier à la flûte, Jean-Charles à la guitare, et bien sûr Maryvette au chant
Le climat de la Seyne est propice au travail extérieur, j'entreprends de réparer la sono de la Cie: achat de divers outils, pièces et câbles, et je démonte la console de son sous les cannisses, et le regard de Jean-Mi, intéressé par mon mode opératoire, le fer à souder d'une main et la loupe de l'autre( ben oui, à mon âge il me faut une loupe pour électroniquer!).
Comme les meilleures choses ont une fin, il me faut rentrer dans ma Lorraine natale, rejoindre Estelle qui s'impatiente, mais d'ors et déjà rendez-vous est prit pour mon retour au cirque en septembre pour la suite des événements.
Ce sera le deuxième volet de mon aventure circassiènne
(à paraître prochainement sur cette même chaîne!)