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Le blog de Robert
tranches de vie, mode de vie, travail et passion, vie...

Tranche de vie: Electricité

robertditsch #tranche de vie

-1961-

 

    J'ai 6 ans.

    Je veux comprendre!

    Comment une prise de courant peut-elle fournir toute cette énergie?

     Peu-t-être y a-t-il un réservoir ou un truc caché derrière?

    Je descend dans l'atelier de mon père et m'empare d'un tournevis que je cache dans mon pantalon, et remonte dans ma chambre.

    Bien décidé à savoir, je m'installe, assis sur le tapis au pied du lit, en face du boîtier percé de deux trous: la prise! Je dévisse les deux vis qui la tiennent, et tire dessus. Je m'aperçois qu'il y a, au dos de celle-ci, deux fils qui y arrivent.       Tiens tiens, voila quelque chose que je n'imaginais pas! A quoi peuvent bien servir ces deux fils, apparemment en fer enroulés dans du tissus ?

    Je mets un doigt sur un fil, le contact est froid, sur l'autre fil aussi même sensation. Peu-t-être qu'ils sont creux, des tuyaux? Et là, j'entreprends de dévisser le fil et - je ne l'ai compris que plus tard - je touche les deux fils de mes doigts!

Dzzzz-baoum!!!

    Je prends ma première électrisation (électrocution, c'est quand on en meurt!!!) ça me fait un choc! Mon coeur cavale à une vitesse effrénée et mes tempes battent la chamade et le rappel de tambour en même temps! Je suis assis, béant, ayant du mal à respirer, et néanmoins espérant que mes parents n'aient rien entendu, parce que j'ai du faire du bruit!

    Au bout d'un temps que je ne sais définir, je réalise que c'est un poison qui se trouve là derrière la prise! Et je repousse le tout, avec un fil en l'air, dans le trou et revisse la prise ,comme si de rien n'était.

    Heureusement, car ma mère, m'appelant pour le repas, n'ayant pas de réponse, vient dans la chambre et me voit assis au pied du lit, me dit "alors pourquoi tu ne viens pas quand on t'appelle, on est à table!" - oui oui, j'arrive!- Je vais manger, avec un gros mal de tète, et peu d'appétit, et prétextant un besoin de bol d'air, passe par la cave replacer le tournevis complice à sa place.....

    Pendant des années, cette prise ne fonctionnait plus jusqu'à ce que je la redévisse pour resserrer ce fil que j'avais défait quand j'avais 6 ans!


-1965-

 

    Dans ma campagne, nombreux sont les fermiers, avec du bétail, des parcs où les animaux broutent, et des clôtures de différentes espèces, en bois, en fil de fer barbelé, ou en fils électriques reliés à une bobine alimentée par intermittence par une batterie. Ce système fournit des décharges électriques sur la clôture, de l'ordre de 5 à 7000 Volt! ce que n'aiment pas du tout les museaux des bêtes!

    Plusieurs fois, par jeu je m'amuse à toucher ces fils, prenant une secousse dans le bras, sans conséquence aucune. Parfois, quand on est plusieurs, on fait la chaîne en se tenant par la main, c'est uniquement le dernier de la chaîne qui est secoué! Ce qui est rigolo, surtout si il (ou elle, on aime bien aussi ) ne s'y attend pas!

    Mais une fois, par un bel après-midi, jouant avec mes copains dans un champ, je m'éloigne devant une haie pour me soulager la vessie... Derrière cette haie, il y a une clôture électrique que je ne vois pas!

    Et d'uriner au travers de la haie directement, - et à jet soutenu! - sur le fil!

DZZZZschlac!

    Une explosion en rafales dans mes parties intimes, à plusieurs reprises, tant que le filet de liquide est ininterrompu! Je me retrouve assis dans l'herbe, béat, le zizi dehors et d'une couleur bleue violacée, et mes copains morts de rire à me voir ainsi!

    Pendant plusieurs jours, mon appareil est douloureux, raide! de plus en plus violet, impossible d'uriner, virant au jaune, comme un énorme bleu. Évidemment, pas un mot de cela à mes parents, de peur de prendre une remontrance de surcroît! Et puis, la douleur s'est calmée, et tout est rentré dans l'ordre, pas de séquelle apparente, et l'avenir prouvera, malgré les quolibets des copains qui vont bon train, que mes facultés reproductives n'ont pas été lésées.


-1969-

 

    Malgré mes essais rébarbatifs sur l'électricité, je continue à m'y intéresser, et plus particulièrement à l'électronique, et le monde étrange de la radio et de la télévision. Je me procure régulièrement des revues spécialisées, genre "Le Haut-Parleur" et "Radio-Plans" soit en les achetant avec mon argent de poche, parfois en les chapardant dans les kiosques à journaux, Évidemment je ne saisis pas tout, et aimerais bien comprendre certaines explications mystérieuses y figurant. Je m'y accroche et commence à pouvoir décrypter ce langage particulier!

    Profitant des vacances de pâques, je vais voir un dépanneur "RTEH" (Radio, Télévision, Électroménager, Hi- Fi) officiant dans un magasin à St Avold, "Europe - Services ", pour ne pas le nommer, et lui propose mes services, en tant que stagiaire, pour l'aider dans son travail, et finalité avouée, pour apprendre sur le tas l'électronique et la télévision et tout ça!

    Chose étonnante, il ( appelons le Louis, je suis plus sûr, mais ça fait rien) accepte, obtient l'aval du patron du magasin, et après une signature de mes parents, me voilà à 14 ans dépanneur télé stagiaire!

    Le quotidien n'est pas toujours rose, étant relégué aux tâches ingrates (balayage, rangement, pliage des cartons et j'en passe...). Parfois quand même, j'ai droit à une explication, un petit cours de soudure à l'étain ( que je pratique déjà ayant acquis un fer à souder depuis belle lurette, pour démonter les pièces sur les carcasses de télévisions que je récupère dans les décharges et que je ramène chez moi sur mon vélo), le top, c'est quand Louis me dit:" tiens regardes cette radio, une mamie l'a emmenée pour réparation, ça doit pas être grand chose..." ; grande est ma fierté quand la radio re- fonctionne (parfois juste en remettant les piles dans le bon sens!) et que j'ai pu déterminer la panne, et la réparer! Suit une facture bien sentie sur laquelle bien sûr je ne touche pas un fifrelin!

    Un jour, alors que je déballe des cartons, Louis, dépannant un téléviseur couleurs, m'appelle: "viens voir, prends un tournevis et essaie de tirer un arc sur l'anode du tube ( la lampe) de haute tension, je regarde devant ce que ça fait"

    C'est une pratique empirique de dépannage, Louis ne connaissant pas très bien les modes opératoires de ces grosses usines à gaz que sont les premiers téléviseurs couleurs.

    Je m'exécute et prends un tournevis assez long, je me méfie de la haute tension, surtout que là, il y a 24000 volts en continu!!! J'approche la pointe du tournevis de l'anode du tube (l'anode, c'est la partie métallique qui se trouve sur le dessus du tube) et normalement il doit se produire un arc électrique entre l'anode et la pointe du tournevis. C'est ce qui se produit, sauf que j'ai - malencontreusement - pris un tournevis avec manche en bois, la partie métallique traversant le tournevis et apparaissant à l'arrière du manche, en contact avec la paume de ma main!

fscritchisrrchisrchhh!!!

    Une décharge électrique de 24000 volt produit un arc de 3 cm , transperçant ma main droite, et me projetant aussi sec plusieurs mètres en arrière, dans les cartons que je déballais quelques instants plus tôt!

    Louis, hébété me regarde, gisant dans les cartons, une fumée noire et une grosse odeur de cochon grillé émanant de ma main. Moi, inconscient, lui, ne sachant quoi faire, la vendeuse descendant voir ce qui se passe, missionnée par le patron. De beaux moments de panique s'ensuivent, on me porte hors du lieu du crime, dans le bureau du patron, et je me réveille quelques minutes plus tard, avec une tête que je crois explosée et une main trouée de part en part qui me vrille de douleur.

    Il me faut une bonne heure pour me remettre d'aplomb, et pouvoir enfourcher mon vélo: "rentres chez toi, tu en a fait assez pour aujourd'hui, et surtout ne dis rien à personne, même pas à tes parents, ils ne comprendraient pas!" Je rentre donc chez moi, avec une main qui me lance sous le bandage que m'a fait la vendeuse, et une nuque bouillante.

    Le lendemain, de retour au magasin avec un nouveau pansement que me fait ma grande soeur (elle a vu le trou, et ne dira rien aux parents qui croient à une brûlure de fer à souder, c'est pas la première, quand apprendras-tu à faire attention?) et quand même une nuque raide et douloureuse, je suis affecté à des taches tranquilles telles nettoyage des écrans en vitrine, et coursier en ville pour la vendeuse et le patron.

    Plusieurs jours sont nécessaires pour faire passer cette douleur à la nuque, plusieurs fois j'ai des sautes de température corporelle, j'apprendrai plus tard que des lésions au cervelet sont responsables de cela!

    Quant à la main, elle s'est cicatrisée toute seule, après plusieurs semaines, j'ai eu du mal au lycée pour écrire, mais en finalité, je n'ai pas de séquelles apparentes.

    Le stage s'est terminé sans autres incidents, en cadeau, en plus d'un salaire de 200 francs (en 1969, c'était une somme!) j'ai eu droit à un superbe magnétocassette avec des cassettes vierges...

 

-1971-

 

    Comme j'ai de bon résultats scolaires, j'ai comme cadeau, une (mopette) (motobylette) (cyclomoteur) de marque Flandria, modèle "comète 4": Superbe engin, avec 4 vitesses à la poignée gauche, 49,9 centimètres cubes et affichant allègrement une vitesse de pointe de plus de 60 Km/h! Rapidement, je commence à bricoler la machine pour qu'elle aille plus vite:

    -limage de la pipe d'admission de carburant (trou plus grand donc plus d'essence arrivant à la bougie donc explosion plus forte donc plus de pêche)

    - limage de la culasse ( plus de course du piston donc plus de pêche aussi)

    - remplacement des pignons dentés de chaîne ( plus de dents sur le pignon avant -15 au lieu de 11- et moins de dents sur le pignon arrière -25 au lieu de 32 ) donc moins de pêche mais compensé par les limages, et surtout une vitesse accrue de 50 % qui m'emmène carrément aux alentours de 100 km/h !

    Suit une costumisation: poignées en inox, pot de détente, et divers gadgets de ci de là...

   A quelques km de chez moi, il y a un village sur un plateau, Vahl Ebersing, je m'y rends souvent pour voir des copains qui y habitent, eux aussi équipés de bécanes trafiquées. Un des jeux auxquels nous nous adonnons est une course de vitesse en descendant la côte qui mène au village, d'une longueur de 300 mètres, avec une pente de 12 %! nous atteignons une vitesse de près de 120 km/h!

    Par une belle après-midi de l'été, sous un soleil de plomb, je retrouve mes concurrents pour une descente d'enfer, juste vêtu d'un short et d'une paire de tongs.

    Le départ est donné, je lance la machine et acquiers une vitesse fantastique, en tête de la course, quand soudain, le fil reliant la bobine à l'anti-parasite de la bougie se détache de celui-ci et vient se coincer entre la tong et mon gros orteil!

DZZZZZZZZZZZZZZZZZZ!

    6000 volt fournis par la bobine me pénètrent le corps, les mains collées sur les poignées en inox, à 120 km/h, jusqu'en bas de la côte, jusqu à ce que la machine, n'ayant plus d'explosion parce que plus d'étincelle sur la bougie, s'arrête d'elle même et chute sur le bas coté. Je roule dans le fossé, à demi inconscient, le gros orteil et mes doigts brûlés par la décharge électrique! mes copains arrivent, ne comprenant pas ce qui s'est passé jusqu'à ce qu'ils me relèvent et voient mes mains brûlées, après quelques minutes de récupération, je leur montre mon orteil noir, collé au plastique fondu de la tong, et je refixe le câble sur l'anti parasite, redémarre, et nous retournons au village, au bistrot, pour me remettre de mes émotions.


-1975-


    En ce début d'année, je reçoit un courrier du ministère des armées: je suis incorporé dans le 53ème régiment d'artillerie, situé à Mulheim en Allemagne, près de la frontière suisse. Je suis convoqué là-bas le 1er avril (ce n'est hélas pas un poisson!), dans l'enveloppe, la feuille de route et le billet de train.

    J'arrive donc à Mulheim, je suis affecté à la batterie de commandement et de services, en tant que futur dépanneur transmission. Après un mois de classes, comme je suis titulaire d'un BEP d'électronique obtenu 2 ans plus tôt, je peux prendre en route un stage de dépanneur se passant à Landau, se déroulant sur 3 mois, il ne m'en reste qu'un à effectuer.

    Ce qui me permet d'obtenir le diplôme de dépanneur de transmissions militaires, au bout de 2 mois de service, avec 4 mois d'ancienneté!

    Mon travail quotidien consiste à réparer les émetteurs-récepteurs, les téléphones de campagne, et en général, tout ce qui est électronique dans la caserne. ( j'obtiens les faveurs des autres bidas en réparant la télévision du foyer!) Un de mes jobs est de réviser les radars embarqués dans les chars AMX 13, équipés de deux canons de 30 mm, antiaérien.

    Un jour, je suis dans la cage du radar, resserrant les plaques de condensateurs fabriquant la haute tension de 50000 volt nécessaire à son fonctionnement. C'est une cage grillagée, avec une porte qui permet l'accès aux composants . Quand la porte est ouverte, il est impossible d'utiliser le radar, une sécurité empêchant des démarrages intempestifs.

    L'adjudant chef du service, essaye de démarre le radar, bien sûr un voyant lui signale la sécurité porte ouverte. Énervé, "le canonnier Ditsch n'a pas refermé la porte, ce branleur, attend que je le chope, je vais lui foutre 10 jours de consigne!" Et il referme la porte violemment, et relance la procédure de démarrage! je n'ai pas eu le temps de me manifester , les condensateurs se sont mis en route, et

MMMMMMMMMMM !!!!!

    La tension de 50000 volt est générée, moi assis au milieu des condensateurs, pour s'arrêter pour défaut quelques secondes plus tard..." Cet enfoiré a oublié un outil ou quelque chose, gare à lui!" il ouvre la porte, et me voit, gisant inconscient, au milieu de la cage. j'ai été dans le champs électrique pour subir une électrisation qui pourrait bien être une électrocution (C'est quand on en meurt!)

    Appel des secours, ambulance, direction l'hôpital militaire de Fribourg, à 40 km . C'est là que je suis sorti du comas, 48 heures plus tard, le cervelet presque rôti, et en partie amnésique, je ne me souviens pas que je suis militaire, ni même comment je m'appelle! Les toubibs n'en reviennent pas de me voir conscient, pour eux je suis condamné et dois mourir rapidement! A grand renfort de pénicilline, avec des piqûres à me faire grimper au mur, ma santé s'arrange, je récupère la plupart de ma mémoire, mais ma température corporelle joue les montagnes russes, passant de 35 à 41° en 10 minutes, pour rechuter à 34° et remonter, et ainsi de suite! La pénicilline régule plus ou moins cet état, mais la température n'arrive pas à se stabiliser. C'est très éprouvant, j'ai chaud, froid, les deux en même temps, je ne peux pas dormir, même avec des somnifères, et cela dure une bonne semaine!

    Après 15 jours passés à l'hôpital, je suis réintégré dans mon unité, où je passe encore 15 jours à l'infirmerie. Mes sautes de températures sont plus espacées, je récupère doucement mes heures de sommeil, en arrivant à dormir 4 à 5 heures consécutives.

    Il faudra plusieurs années pour que mon cervelet se régénère, par la suite, à chaque châtaigne, j'aurai des sautes de température, mais rapidement cela rentrera dans l'ordre.

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