Une semaine de boulot intermittent...L'intrépide soldat de plomb Conte de Hans Christian Andersen
Un spectacle étonnant, mettant en scène un conteur...
Rendez-vous lundi matin, à 7 h 30 au théâtre.
J'ai une bonne crève, et une côte fêlée par un coup lors du dernier démontage (un peu brusque, mais c'est une autre histoire...)
Nous accueillons la Compagnie Allemande de théâtre de marionnettes tout public Stephan Wey, avec laquelle nous allons passer la semaine.
Le montage doit être rapide, et pour cause : on joue déjà cet après-midi!
L'équipe est là, salutations sans embrassades contagieuses, Sofi au plateau ; Giloux à la lumière avec moi ; Nico aux cintres; et Seb au son :La troupe de choc!
Et c'est parti ! En attendant la Compagnie, nous ( nous, c'est l'équipe, mais ma participation physique n'était pas au top, avec ma côte et ma crève; vous avez déjà toussé avec une côte en vrac? non ? heureux soyez-vous ! )donc nous déroulons les tapis de danse, et les fixons au tape, puis nous attaquons l'implantation lumières, une perche de face, et une perche de contre-jour, point trop n'en faut ! En trichrome, un bleu, un rouge et un vert, suivant le plan de feu, couper les gélatines était à ma portée ! lol ! .
Et arriva Stephan, et sa troupe...au grand complet ! : Un technicien son et lumières, un machiniste manipulateur, une danseuse...
Et déchargement rapide de leur véhicule, peu de choses, mais suffisantes:
-Un sac renfermant une toile, très légère, mais étanche à l'air, qui une fois dépliée et gonflée se présente en forme de dôme, de 11 mètres de diamètre, 5 mètres de haut au centre, lestée à la chaîne, gonflée à l'air par 3 ventilateurs,
-quelques projecteurs "vintage", des machines bizarres pour faire des effets,
-des soldats de plomb, et un grand livre rempli de pliages qui se dévoilent en ombres portées ...,
- un vidéo-projecteur, une sono à accrocher au dessus du dôme, un peu de bancs et coussins,
et voilà !
Ma contribution à la compréhension de la Langue Allemande était requise, notre petite ruche fonctionnait à plein, je papillonnais de l'un à l'autre en traduisant les questions, les réponses et les blagues dans les deux langues jusqu'à 12 heures, où nous étions prêts!
Rendez-vous prit (et confirmé dans les deux langues !) pour 13 heures, nous sommes allé manger au snack en face, et profiter un peu de la luminosité extérieure, même si il faut affronter les rigueurs saisonnières à Forbach ! De toute façon, vu mon état, je risquais pas grand-chose !
13 heures pétantes, nous nous retrouvons sur scène, pour préparer le spectacle...
petits coups de balais par ici, nettoyages par là, derniers réglages lumières toile gonflée, essais des machines, pendant que le comédien -Stephan Wey Selbst !- s'échauffait avec un volant de badminton en attendant un partenaire, rôle dévoué à son technicien après le "chek-up".
Bien que sollicité, je n'ai pas accepté, songeant avec effroi la côte "folle" se promenant...
13 h 45, le public commence à arriver, nous accueillons plusieurs classes des centres I M PRO de la région, un public délicat à diriger...
Tous sont installés dans les fauteuils de la salle, une grande toile blanche gît sur la scène, le noir s'établit...quelques cris, "pouffages",et c'est le silence . . .
Du fond de la scène, apparaît en contre-jour un homme, en queue de pie blanc, haut de forme blanc,
qui s'avance vers le bord de scène, marchant sur la toile, pour se présenter :
"je m'appelle Hans Christian Andersen , "
"le Danois le plus connu après Hamlet ! " disait le roi...
Une sombre histoire de mal de dents plus tard, il va se coucher au milieu de la toile et se mets à rêver... (n'oubliez pas, ceci est un conte...)
Et évidemment, la toile se met à gonfler, gonfler, flamboyante, dans une musique tonitruante( il fallait couvrir le bruits des ventilateurs ! ) engloutissant Hans Christian, au grand effroi des plus sensibles, pour terminer en un magnifique dôme blanc, et en silence, d'où surgit le conteur, calmant le public...en français dans le texte, parfois les deux, il finit par inviter tout le public sous le dôme....
Branle bas de combat ! Tous à vos pièces !
Il a fallu faire monter sur scène 90 personnes, pas toutes valides, les déambulateurs, les fauteuils, moi même n'étant pas au faîte de l'aptitude requise, mais tout ce monde a trouvé place sous le dôme ! des bancs, des coussins au sol, le dôme se ferme...
Hans Christian Andersen, le danois le plus.... bon ! prend la parole :
"Je vais vous raconter... une histoire...celle de l'intrépide soldat de plomb !"
Vous trouverez l'histoire au bas de cette prose, une histoire d'amour, entre un soldat et une danseuse, qui apparaît en vrai sortant de son ombre, par magie !
OUAAAAH!
et qui danse pour lui ! pour disparaître dans le noir...
Après moult péripethies, la toile enfermant les spectateurs "brûle" et s'ouvre à la fin comme une orange, liberant le public, revenu tant bien que mal à la réalité!
La représentation s'étant bien déroulée (oh, bien sûr il y eut des frayeurs, des sorties intempestives, par peur ou envie urgente, et une bonne quinte de toux m'obligeant à quitter les lieux, mais sans plus !) il ne nous restait plus qu'à faire descendre tout le monde de la scène afin qu'il puisse regagner la sortie.
Quelques coups plus tard (de pieds intempestifs, quoique involontaires, dans mon torse meurtri! quand je faisais office de rampe d'escalier,) notre mission du jour était arrivée à son terme .
Là, il est 15h30, rendez-vous le lendemain matin à 9 heures pour jouer à 10 heures...
Évidemment, moi je fonce ( enfin aussi vite que me permets mon état physique ) à la gare, et prends le bus pour Sarrebruck, pour aller au Calypso, espace de détente naturiste, où je vais passer le reste de l'après-midi, et la soirée ! bien au chaud, plein de saunas, à toutes les températures, un restaurant-bar sur place, une piscine extérieure chauffée,...
Et tout ça en tenue d' Adam jusqu'à 22 heures!
Mon pote Helmut m'a rejoint en début de soirée, nous avons dîné sur place.
Le gros de ma crève était finie, les virus ont horreur de températures de 95 et 100 ° de l'air qui leur parvient ! c'est très efficace ! je ne tousse plus ! les aromates lors de la dernière séance de sauna ont eu raison de mon irritation !
Il faut dire que lors de cette séance, un animateur arrose les pierres et vous fait bénéficier, à grand coup d'éventail géant, des bienfaits d'une vague de chaleur odorante à 50 km/h et 110°! Le Must !
Puis, après un dernier barbotage dans une eau à 32°, nous nous sommes rhabillés et on a terminé la soirée chez lui.
Mardi matin, 7heures. Il y a du brouillard, il fait à peine 1 ou 2°!
Je quitte l'appartement de Helmut, avec un petit rhume, pour prendre le bus qui m'emmènera à la gare de Brebach, où je prends le tramway qui m'emmène à la "hauptBahnhoff" de "Saarbrücken" où enfin je prends le train pour Forbach! Il est 8h 45 quand j'arrive à Forbach, je serai à l'heure !
9 heures, les Allemands arrivent - toujours ponctuels! - et nous préparons le jeu de 10 heures.
Quelques directives, traductions sur le tas, corrections des mots français avec Stephan, passes de hand ball (sans moi ! ) , ça change de la raquette, test des systèmes, extinction des éclairages de service, on est prêt !
Aujourd'hui, le public est hétéroclite, du 3ème âge à la maternelle ! un beau mélange !
Même scénario que la veille, l'installation en salle, le passage sur la scène, l'installation dans le dôme, et... "Je vais vous raconter..."
Nous partons tous manger ensemble en ville, à 11h45, dans notre restaurant favori, La Régina, qui nous sert une cuisine italienne de qualité, arrosée de Chianti Ruffino!
Nos Allemands ont apprécié ! et ma traduction en live de la carte, et ce qu'ils ont commandé !
Servis rapidement, on avait fini à 13 heures, largement le temps de rentrer au théâtre, de boire un café, fumer sa clope, et se mettre en condition pour la représentation de l'après-midi.
Des écoles primaires, des enfants sages qui viennent voir un conte...
Et c'est le déroulement maintenant habituel...
15 h 30 , fin de mission pour aujourd'hui, rendez-vous demain à 14 h pour jeu à 15 h et 20 h.
Je vais prendre le train qui me ramène chez moi, à St Avold, mon épouse m'attend à la gare et la soirée se déroule tranquillement, au chaud, et la matinée suivante s'annonce grasse !
Mercredi, 13 heures. Le temps est gris et froid. un petit vent ramène un crachin désagréable.Je suis à la gare de St Avold, sur le quai, je prends le train pour Forbach, et arrive au théâtre en avance, il est 13h45...juste le temps d'aller boire un jus au café du coin...où je retrouve mes Allemands !
Nous jouons à 15 heures, des collégiens avec toute la panoplie d'insubordinations et de chahuts sous les yeux des accompagnateurs débordés, quelques remontrances verbales mais autoritaires - et efficaces ! - de notre part ont canalisé cette fougue et on a joué dans le calme - plus ou moins ! - mais contents que cela soit fini !
Quartier libre ensuite jusqu'à 19 heures, je flâne dans les rues, m'achetant un bonnet style péruvien pour avoir la tête au chaud, quelques courses et coups plus tard, il est l'heure... jeu à 20 heures, des adultes pour la plupart, ça nous changera !
21 h 30, nous quittons le théâtre, je dors à l'hôtel, je m'y rends, me fais livrer une pizza, la mange et ....schluss ! extinction des feux!
Jeudi, 8 heures. Le réveil me fait sursauter. Ah oui, je suis à l' hôtel !
Douche rapide, petit déjeuner Pronto ! Je suis dans la rue, il est 8 h 45, il pleut !
A 9 heures, nous nous sommes retrouvés au théâtre, nous nous entendons bien avec la Compagnie, et ils se sentent bien chez nous, les "problemen löser"
( solutionneurs de problèmes! ) ce qui est un gage de bon spectacle !
Les séances se déroulent de façon normale, une le matin, une l'après-midi , une troisième éventuelle en soirée a été anulée ,nous nous quittons donc à 16 heures, et le rendez-vous est pris pour le lendemain, à 9 heures.
Du coup, je rentre chez moi, en train, en profite pour faire les courses avec ma moitié, et passe une soirée calme, je toussote un peu...
Vendredi, 8 h 30. Il fait froid ! le nez gelé sur le quai, je sens que ma gorge me titille, j'attend le train, qui est en retard ! Il arrivera à 8 h 45, du coup tintin de ma légendaire ponctualité à faire palir les Allemands !
Un petit coup de portable plus tard, mon retard étant annoncé, tout va bien!
Quand j'arrive au théâtre, tout est prêt ! l'équipe n'est pas venu en train !
Spectacle à 10 heures, puis à 14 heures, et c'est déjà l'heure du démontage...
Quarante minutes plus tard, tout était démonté, plié, rangé, chargé, et la Compagnie nous quittait à 17 heures, reprenant la route pour de nouveaux contes...
Toute l'équipe se retrouve au bar de La Fontaine, bar qui n'ouvre que du vendredi au dimanche, à 17 heures...
Nous sommes les premiers clients, un bon baron-picon-bière plus tard, il est l'heure de prendre congé de mes collègues, avec qui j'ai passé une bonne semaine !
Et me revoilà à la gare, le vent d'est s'est levé, glacial, il est 18 heures et il fait nuit noire, il va surement neiger !
Ainsi s'achève ma semaine avec l'intrepide soldat de plomb.
La semaine prochaine, je repose ma côte, et ensuite en route vers de nouvelles aventures !
Portez-vous bien !
L'histoire
Il y avait une fois vingt-cinq soldats de plomb, tous frères, tous nés d'une vieille cuillère
de plomb.
L'arme au bras, la tête droite, leur uniforme rouge et bleu n'était pas mal du tout.
La première parole qu'ils entendirent en ce monde, lorsqu'on souleva le couvercle de la
boîte fut : des soldats de plomb ! Et c'est un petit garçon qui poussa ce cri en tapant des
mains. Il les avait reçus en cadeau pour son anniversaire et tout de suite il les aligna sur la
table.
Les soldats se ressemblaient exactement, un seul était un peu différent, il n'avait qu'une
jambe, ayant été fondu le dernier quand il ne restait plus assez de plomb. Il se tenait
cependant sur son unique jambe aussi fermement que les autres et c'est à lui, justement,
qu'arriva cette singulière histoire.
Sur la table où l'enfant les avait alignés, il y avait beaucoup d'autres jouets, dont un joli
château de carton qui frappait tout de suite le regard. A travers les petites fenêtres on
pouvait voir jusque dans l'intérieur du salon. Au-dehors, de petits arbres entouraient un
petit miroir figurant un lac sur lequel voguaient et se miraient des cygnes de cire.
Tout l'ensemble était bien joli, mais le plus ravissant était une petite demoiselle debout sous le
portail ouvert du château. Elle était également découpée dans du papier, mais portait une
large jupe de fine batiste très claire, un étroit ruban bleu autour de ses épaules en guise
d' écharpe sur laquelle scintillait une paillette aussi grande que tout son visage.
La petite demoiselle tenait les deux bras levés, car c'était une danseuse, et elle levait aussi une
jambe en l'air, si haut, que notre soldat ne la voyait même pas. Il crut que la petite
danseuse n'avait qu'une jambe, comme lui-même.
"Voilà une femme pour moi, pensa-t-il, mais elle est de haute condition, elle habite un
château, et moi je n'ai qu'une boîte dans laquelle nous sommes vingt-cinq, ce n'est guère
un endroit digne d'elle. Cependant, tâchons de lier connaissance."
Il s'étendit de tout son long derrière une tabatière qui se trouvait sur la table ; de là, il
pouvait admirer à son aise l'exquise petite demoiselle qui continuait à se tenir debout sur
une jambe sans perdre l'équilibre.
Lorsque la soirée s'avança, tous les autres soldats réintégrèrent leur boîte et les gens de la
maison allèrent se coucher.
Alors les jouets se mirent à jouer à la visite, à la guerre, au bal. Les soldats de plomb s'entrechoquaient bruyamment dans la boîte, ils voulaient être de la fête, mais n'arrivaient pas à soulever le couvercle. Le casse- noisettes faisait des culbutes et la craie batifolait sur l'ardoise.
Au milieu de ce tapage, le canari s'éveilla et se mit à gazouiller et cela en vers, s'il vous plaît. Les deux seuls à ne pas bouger de leur place étaient le soldat de plomb et la petite danseuse, elle toujours droite sur la pointe des pieds, les deux bras levés ; lui, bien ferme sur sa jambe unique. Pas un instant il ne la quittait des yeux.
L'horloge sonna minuit.
Alors, clac !
Le couvercle de la tabatière sauta, il n'y avait pas le moindre brin de tabac dedans (c'était une attrape), mais seulement un petit diable noir.
- Soldat de plomb, dit le diablotin, veux-tu bien mettre tes yeux dans ta poche ? Mais le
soldat de plomb fit semblant de ne pas entendre.
- Attends voir seulement jusqu'à demain, dit le diablotin.
Le lendemain matin, quand les enfants se levèrent, le soldat fut placé sur la fenêtre.
Tout à coup - par le fait du petit diable ou par suite d'un courant d'air -, la fenêtre s'ouvrit
brusquement, le soldat piqua, tête la première, du troisième étage.
Quelle équipée ! Il atterrit la jambe en l'air, tête en bas, sur sa casquette, la baïonnette fichée entre les pavés.
La servante et le petit garçon descendirent aussitôt pour le chercher. Ils marchaient
presque dessus, mais ne le voyaient pas. Bien sûr ! Si le soldat de plomb avait crié : " Je
suis là ", ils l'auraient découvert. Mais lui ne trouvait pas convenable de crier très haut
puisqu'il était en uniforme.
La pluie se mit à tomber de plus en plus fort, une vraie trombe ! Quand elle fut passée,
deux gamins des rues arrivèrent.
- Dis donc, dit l'un d'eux, voilà un soldat de plomb, on va lui faire faire un voyage.
D'un journal, ils confectionnèrent un bateau, placèrent le soldat au beau milieu, et le voilà
descendant le ruisseau, les deux garçons courant à côté et battant des mains. Dieu !
Quelles vagues dans ce ruisseau ! Et quel courant ! Bien sûr, il avait plu à verse ! Le
bateau de papier montait et descendait et tournoyait sur lui-même à faire trembler le soldat
de plomb, mais il demeurait stoïque, sans broncher, et regardait droit devant lui, l'arme au
bras.
Soudain le bateau entra sous une large planche couvrant le ruisseau. Il y faisait aussi
sombre que s'il avait été dans sa boîte.
" Où cela va-t-il me mener ? "pensa-t-il. "C'est sûrement la faute du diable de la boîte.
Hélas ! Si la petite demoiselle était seulement assise à côté de moi dans le bateau,
j'accepterais bien qu'il y fit deux fois plus sombre. "
A ce moment surgit un gros rat d'égout qui habitait sous la planche.
- Passeport ! cria-t-il, montre ton passeport, vite !
Le soldat de plomb demeura muet, il serra seulement un peu plus fort son fusil. Le bateau
continuait sa course et le rat lui courait après en grinçant des dents et il criait aux épingles
et aux brins de paille en dérive.
- Arrêtez-le, arrêtez-le, il n'a pas payé de douane, ni montré son passeport !
Mais le courant devenait de plus en plus fort. Déjà, le soldat de plomb apercevait la clarté
du jour là où s'arrêtait la planche, mais il entendait aussi un grondement dont même un
brave pouvait s'effrayer.
Le ruisseau, au bout de la planche, se jetait droit dans un grand
canal. C'était pour lui aussi dangereux que pour nous de descendre en bateau une longue
chute d'eau.
Il en était maintenant si près que rien ne pouvait l'arrêter. Le bateau fut projeté en avant,
le pauvre soldat de plomb se tenait aussi raide qu'il le pouvait, personne ne pourrait plus
tard lui reprocher d'avoir seulement cligné des yeux.
L'esquif tournoya deux ou trois fois, s'emplit d'eau jusqu'au bord, il allait sombrer. Le
soldat avait de l'eau jusqu'au cou et le bateau s'enfonçait toujours davantage, le papier
s'amollissait de plus en plus, l'eau passa bientôt par-dessus la tête du navigateur. Alors, il
pensa à la ravissante petite danseuse qu'il ne reverrait plus jamais, et à ses oreilles tinta la
chanson :
" Tu es en grand danger, guerrier !
Tu vas souffrir mille morts !"
Le papier se déchira, le soldat passa au travers ... mais, au même instant, un gros poisson
l'avala !
" Nonnnnnn !"
Ce qu'il faisait sombre là-dedans ! Encore plus que sous la planche du ruisseau, et il était bien à l'étroit, notre soldat, mais toujours stoïque il resta couché de tout son long, l'arme au bras.
Le poisson s'agitait, des secousses effroyables le secouaient.
Enfin, il demeura parfaitement tranquille, un éclair sembla le traverser. Puis, la lumière
l'inonda d'un seul coup et quelqu'un cria :
" Un soldat de plomb ! "
Le poisson avait été pêché, apporté au marché, vendu, monté à la cuisine où la servante
l'avait ouvert avec un grand couteau. Elle saisit entre deux doigts le soldat par le milieu
du corps et le porta au salon où tout le monde voulait voir un homme aussi remarquable,
qui avait voyagé dans le ventre d'un poisson, mais lui n'était pas fier. On le posa sur la
table ...
Comme le monde est petit ! ... Il se retrouvait dans le même salon où il avait été
primitivement, il revoyait les mêmes enfants, les mêmes jouets sur la table, le château
avec l'exquise petite danseuse toujours debout sur une jambe et l'autre dressée en l'air ;
elle aussi était stoïque.
Le soldat en était tout ému, il allait presque pleurer des larmes de plomb, mais cela ne se
faisait pas ... il la regardait et elle le regardait, mais ils ne dirent rien.
Soudain, un des petits garçons prit le soldat et le jeta dans le poêle sans aucun motif, sûrement encore sous l'influence du diable de la tabatière.
Le soldat de plomb tout ébloui sentait en lui une chaleur effroyable.
Etait-ce le feu ou son grand amour ?
Il n'avait plus ses belles couleurs, était-ce le voyage ou le chagrin?
Il regardait la petite demoiselle et elle le regardait, il se sentait fondre, mais stoïque, il
restait debout, l'arme au bras.
Alors, la porte s'ouvrit, le vent saisit la danseuse et, telle une sylphide, elle s'envola directement dans le poêle près du soldat.
Elle s'enflamma ... et disparut.
Alors, le soldat fondit, se réduisit en un petit tas, et lorsque la servante, le lendemain, vida les cendres, elle y trouva comme un petit coeur de plomb.
De la danseuse, il ne restait rien que la paillette, toute noircie par le feu, noire comme du charbon.
Ainsi s'achève l'histoire de l'intrepide soldat de plomb, de Hans Christian Andersen," le Danois le plus connu àprès Hamlet " disait le roi...
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